Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, en l’absence d’arrêté prescrivant l’interruption, le fait de continuer des travaux malgré une décision du juge administratif ordonnant le sursis à l’exécution du permis de construire, ne constitue pas une infraction pénale.
La société civile immobilière Brougham, a obtenu un permis de construire en vue d’édifier un hôtel à Cannes. Saisie d’une action engagée par une association de défense, la juridiction administrative a ordonné le sursis à exécution dudit permis. Ayant poursuivi la construction de l’hôtel après la notification du jugement, le gérant de la SCI a été renvoyé devant le tribunal correctionnel (Article L. 480-3 du Code de l’urbanisme) pour avoir exécuté des travaux nonobstant le jugement qui avait ordonné le sursis à exécution du permis de construire délivré.
Pas d’arrêté interruptif
Pour requalifier les faits et déclarer le prévenu coupable du délit de construction sans permis (art. L. 480-4 du Code de l’Urbanisme), les juges du second degré ont retenu que le gérant, informé de la décision de sursis à exécution par la notification du jugement, était tenu de les interrompre, le permis de construire étant suspendu. Mais ni le maire ni, à défaut, le représentant de l’État dans le département, n’ont prescrit par arrêté l’interruption des travaux, comme le prévoit l’article L.480-2 alinéa 10 dans tous les cas de construction sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de juridiction administrative ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution du permis de construire.
Interprétation stricte de la loi pénale
La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que la loi pénale est d’interprétation stricte. Ainsi, le fait de continuer les travaux entrepris malgré une décision du juge administratif ordonnant le sursis à l’exécution du permis de construire, et dont le bénéficiaire a eu connaissance, ne constitue pas une infraction pénale. En particulier, ce comportement ne permet pas de caractériser l’infraction prévue par l’article L. 480-3 du Code de l’urbanisme. En effet, l’exécution desdits travaux n’a pas été précédée d’un arrêté du maire ou du préfet prescrivant leur interruption. De même, le délit de construction sans permis prévu à l’article L.480-4 du même code, n’est pas non plus établi dès lors que la juridiction administrative n’avait pas, au moment de la continuation des travaux, annulé le permis de construire sur le fondement duquel ceux-ci ont été entrepris.
Principe de légalité criminelle
Aussi, en se déterminant par la circonstance qu’à compter de la notification du jugement ordonnant le sursis à exécution du permis de construire, le prévenu était tenu d’arrêter les travaux, puisqu’à compter de cette date le permis était suspendu, pour en déduire que faute de l’avoir fait il s’était rendu coupable du délit d’exécution de travaux sans permis de construire préalable, la cour d’appel a méconnu le principe de la légalité criminelle et le principe d’interprétation stricte de la loi pénale.
Cass, 13 février 2009, req. n° 01-85826